Le 19 avril se tenait à Romillé, près de Rennes (35), le congrès de l’association Plagiocéphalie info & soutien (PI&S). Initialement orienté vers le grand public, ce sont principalement les professionnels de santé qui ont répondu présents.
Un reportage réalisé par Reza RC
Et pour cause. Avec des intervenants experts dans leur domaine, les conférences étaient très techniques. À commencer par Soraya Durantet, présidente de l’association PI&S. Elle a dressé l’état des lieux de la prise en charge actuelle des plagiocéphalies et les problématiques liées notamment aux traitements par orthèse. Sa connaissance du sujet ferait pâlir d’envie certains professionnels de santé. Mais son témoignage représente également la situation des certains parents qui a viré au cauchemar lorsque les conséquences de la plagiocéphalie de leur enfant traitées trop tardivement sont devenues irrémédiables. Les parents se sentent coupables. Coupables d’avoir été mal informés. Coupables d’avoir réagi trop tard. À l’écoute de ce témoignage, la prévention devrait être impérative. L’action de l’association PI&S se situe justement à ce niveau.
Couchage des bébés : le débat continue
Et sur cette question, Soraya Durantet a souligné l’incidence du couchage. Une sage-femme de l’assemblée a alors réagi. Elle exerce au CHU de Rennes et au sein de son équipe, une réflexion est en cours sur la mort subite du nourrisson. Kinésithérapeutes, sages-femmes, psychomotriciens, etc. étudient les bons conseils à donner aux parents à la sortie de la maternité. Selon elle, la position de couchage sur le côté évoquée par Soraya Durantet est dangereuse. Dans l’assemblée, Thierry Marck, pédiatre, se contient. En effet, il dénonce depuis longtemps la politique de couchage sur le dos qui a contribué à faire croître le nombre des plagiocéphalies. Dans son intervention, il expliquera comment le couchage en position latérale sous certaines conditions peut être une alternative. Son témoignage est à retrouver dans L’ostéopathe magazine numéro 21 : Couchage des bébés, une histoire à dormir debout.
Auparavant, Alain Gautier avait présenté son expérience d’ostéopathe qui l’a conduit à se poser la question suivante : comment faire que ça n’apparait pas ? Agir sur la femme enceinte, sur les conditions de vie du fœtus dans le ventre de la mère et bien évidemment le couchage. Il a alors présenté sa solution de couchage : le Bibed. Son originalité : une têtière qui s’adapte à la forme de la tête du bébé et à ses compétences. Elle favorise une mobilité spontanée de la tête compatible avec les multiples positions de repos ainsi que pendant le sommeil qu’adopte le bébé. À découvrir en détail dans notre reportage : Bibed, un matelas multifonctionnel conçu pour le nouveau-né paru dans L’ostéopathe magazine numéro 11.
[su_spoiler title= »La motricité libre » icon= »plus-circle »]Michèle Forestier est kinésithérapeute. Elle a suivi de nombreux enfants en difficultés motrices, dont beaucoup présentaient des torticolis ou plagiocéphalies. Elle a élaboré une méthode de rééducation : la motricité libre.
Michèle Forestier base sa technique de rééducation sur deux principes essentiels : verticaliser le bébé le plus tard possible et lui permettre de se rééduquer de manière active et quotidienne à travers les différents déplacements qui précèdent la marche. Car l’apprentissage de la marche doit être progressif et les compétences de chaque étape doivent être solidement acquises avant le passage à l’étape suivante. Cette progression dépendra la maturation du cerveau, des aptitudes personnelles de l’enfant, de son expérience et de son environnement.
L’acquisition de la marche peut se résumer ainsi : à partir du plat dos, l’enfant se retourne sur le côté, puis sur le ventre, rampe, s’installe à quatre pattes (c’est à ce moment-là qu’il découvre la position assise autonome au sol). Il se déplace ainsi pendant quelques semaines, passe ensuite à genoux, prend appui sur un support avec ses mains, se met en position du « chevalier servant » et parvient à la position debout. Il exerce son équilibre et, quand il est sûr de lui, se lâche et fait ses premiers pas.
Apprendre à marcher : trois phases essentielles
Ces apprentissages s’effectuent à un rythme différent, selon la nature de chaque enfant et en fonction du milieu dans lequel il évolue. Ils se construisent au cours de trois phases :
1. Phase statique : les positions à plat au sol. La position sur le dos est la première que découvre l’enfant, elle lui permet de se reposer, de découvrir ses mains et de relever ses pieds. Il fait le lien entre droite et gauche, bas et haut du corps. Grâce à la position sur le côté et il peut saisir les jouets qui sont à sa portée. Cette position est toujours difficile pour le bébé qui a un torticolis ou une plagiocéphalie. La position à plat ventre est capitale pour acquérir une musculature dorsale suffisante et un appui correct sur les bras position fondamentale.
2. Phase dynamique : le bébé commence à se déplacer. Les retournements lui donnent la possibilité de passer du dos sur le ventre et du ventre sur le dos. Il peut donc changer de position, mais aussi commencer à se déplacer. La torsion du corps permet la dissociation des ceintures. Ce mouvement est souvent difficile pour les enfants présentant une plagiocéphalie. Ramper, premier déplacement vers l’avant, permet au bébé d’être complètement autonome. Le quatre pattes est un mode de déplacement très riche pour le développement global de l’enfant. Il renforce les muscles du cou et du dos, permet de dissocier les ceintures, développe l’alternance des appuis et la coordination des membres. Étape également très importante.
3. Découverte de la verticalité : le bébé se libère de l’appui de ses mains. Il ne devrait découvrir la position assise au sol que lorsqu’il sait s’y installer tout seul. Elle ne doit intervenir qu’à ce moment. On y attache trop d’importance. C’est seulement une étape statique qui n’apporte rien aux déplacements. Et il ne faut pas proposer cette situation s’il ne peut pas en sortir. Viennent ensuite les positions à genoux et debout qui vont conduire à la marche autonome.
Les bénéfices que le bébé peut tirer d’un bon développement moteur sont multiples. Aussi bien au cours de la période qui précède la marche que dans son développement futur : autonomie, connaissance du corps et bien-être corporel, connaissance de l’espace, travail de l’ensemble des muscles et des articulations, alternance des appuis, dissociation des ceintures, etc.[/su_spoiler]
Apprendre à poser son bébé
Philippe Mahé, ancien attaché des hôpitaux en pédiatrie et ostéopathe, a par la suite précisé que, quel que soit le mode de couchage choisi, il faut savoir comment poser le bébé. Il a également rappelé une idée qui lui est chère : l’asymétrie est constitutionnelle de tout individu. « Mettez vos deux doigts dans les oreilles. Regardez votre voisin. Aucun n’aura les doigts à la même hauteur. Nous sommes tous asymétriques. C’est naturel et physiologique, mais il faut distinguer cette asymétrie de celle qui est devenue pathologique », a-t-il expliqué. Ses analyses et ses conseils de prise en charge sont à retrouver également dans L’ostéopathe magazine numéro 21.
Puis Nicolas Matte est intervenu. Orthésiste au Canada, il a rappelé comment prendre les mesures du crâne pour évaluer la plagiocéphalie ainsi que toutes les étapes de fabrication d’un casque. Après la livraison du casque, l’orthésiste assure un suivi pour pallier à différents problèmes envisageables : dermatites de contact, irritation/blessure par le frottement (réaction à la sueur), croissance avant correction (point de pression), enfant voulant enlever l’orthèse, etc. Il a ensuite présenté les principes de l’orthèse dynamique et présenté une hypothèse de traitement innovant pour les enfants de moins de trois mois : le port d’un casque uniquement la nuit.
Mais lorsque le diagnostic révèle des craniosténoses, alors la chirurgie devient incontournable. Joan Pinyot, chirurgien pédiatrique à l’hôpital Sant Joan de Déu à Barcelone, a d’ailleurs rappelé que lorsqu’une suture est fermée le crâne grossit dans le sens de la suture. Il a ensuite détaillé les principes qui guident les modes opératoires chirurgicaux et il a présenté son approche mini-invasive de ses interventions par endoscopie. Il a également recommandé une prise en charge précoce et avertit : « toute opération sur une déformation positionnelle ne sert à rien et n’apporte qu’une cicatrice ». Enfin, il a commenté une étude qui montrait qu’un crâne qui présentait une craniosténose avait pu être traité par orthèse. Encore une fois, la chirurgie ne doit être utilisée qu’en dernier recours.
L’ostéopathe en première ligne
Ce congrès a permis de révéler une chose : prendre en charge la plagiocéphalie ne doit pas être considéré comme une routine. Son dépistage doit être systématique et son évolution mesurée avec rigueur. Une pratique clinique qui place l’ostéopathe en première ligne. Mais d’autres professionnels doivent parfois être impliqués. Sans oublier les parents.
[su_spoiler title= »Comment aider l’enfant dans son apprentissage » icon= »plus-circle »]Les adultes imposent parfois au bébé des positions ou des mouvements avant qu’il ne soit prêt. Certains objets présentés comme des outils d’éveil de l’enfant risquent de le limiter dans ses découvertes.
Par Michèle Forestier, kinésithérapeute
Le premier principe est donc de respecter le rythme de chaque enfant et laisser les différentes étapes s’installer chacune à leur tour. C’est à la portée de tous à condition d’identifier au quotidien les erreurs à ne pas commettre et de savoir comment porter bébé, comment l’installer, etc.
Comment ?
D’abord, positionner le plus souvent le bébé à plat dos, sur un tapis ferme. Il essaiera de lui-même de passer sur le ventre en s’installant d’abord sur le côté. Lui proposer des jeux moteurs pour le plaisir ou pour l’aider s’il est un peu en difficulté. Ensuite, dès que le bébé sait se déplacer au sol, sur le ventre ou à quatre pattes, le laisser faire ses expériences. Enfin, utiliser les actes de la vie quotidienne : le change, le bain, portage, etc. pour permettre au bébé de lui faire découvrir naturellement ses capacités motrices.
Les erreurs les plus fréquentes sont les suivantes : laisser le bébé trop longtemps dans le transat, positionner l’enfant assis avant qu’il n’ait découvert le plaisir de se déplacer au sol, l’encourager à pousser sur ses jambes très tôt (qui peut conduire à la verticalité trop tôt), faire marcher un bébé qui n’est pas prêt, utiliser un trotteur (youpala).
L’importance des retournements et du plat ventre
L’enfant doit absolument être à l’aise à plat ventre avant de passer aux étapes suivantes. Le fait de savoir passer du dos sur le ventre lui évite d’être bloqué sur le dos, à l’image de la tortue figée dans sa carapace. C’est aussi cette position qui va fortifier les muscles de son cou, de son dos, de ses épaules et de ses bras. Il est très important de contrôler l’acquisition de cette étape et de la faire connaître au bébé, très tôt, de courts instants, quand il est éveillé.[/su_spoiler]