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Retour vers le futur : à la découverte de l’écologie de la santé

Pour la 1re fois de son histoire, l’ostéopathie se trouve à un carrefour. La définition de la profession n’est pas clairement établie et le domaine de la santé auquel elle appartient n’est pas vraiment identifié.

Stephen Tyreman

Stephen Tyreman, ostéopathe DO, doyen du développement de l’enseignement ostéopathique à la British School of Osteopathy et professeur à la Norwegian University College of Health Studies, nous présente sa vision de la situation.

Est-ce que l’ostéopathie fait partie de la médecine et doit donc être évaluée avec les mêmes standards et les mêmes procédures ? Est-elle différente ou complémentaire ? Correspond-elle à une branche de la médecine manuelle ou appartient-elle clairement à la médecine alternative ? Face à ces différentes possibilités, quel chemin emprunter ?

Si chaque patient est unique, chaque praticien développe une expertise spécifique au cours de son parcours professionnel et l’étude de l’ostéopathie ne peut se réduire au seul facteur de l’intervention thérapeutique. En outre, les ostéopathes prétendent être centrés sur la personne plutôt que la maladie et pratiquer une médecine globale. Mais que signifient réellement toutes ces notions ?

Pour répondre à ces questions, Stephen Tyreman propose à la profession d’adopter un modèle écologique de la santé. Un modèle qui place la personne vivante au centre d’un système adaptatif complexe qui prend en compte les facteurs environnementaux, alimentaires, anthropologiques, culturels, etc.

Vers un modèle écologique de la santé

Pour comprendre l’intérêt de ce modèle, Stephen Tyreman revient sur l’histoire et l’évolution de notre société. L’espérance de vie a été multipliée par deux entre 1900 et la fin du 20e siècle, passant de 47,9 à 79 ans. Notre façon de vivre a changé. Plus confortable, moins active, avec une alimentation mal appropriée et un stress mental plus élevé. L’obésité et le manque d’exercice sont responsables du diabète (notamment chez l’enfant), de l’augmentation de l’hypertension, de l’hypercholestérolémie, etc. Pourtant, seul 1 % des dépenses de l’assurance maladie est alloué à la prévention. Aujourd’hui, notre information médicale et sanitaire est meilleure, mais nos choix sont-ils pour autant mieux éclairés ?

Stephen Tyreman poursuit son propos en rappelant que la médecine s’est développée dans un contexte d’infection et de contagion. Ensuite, l’ostéopathie est apparue. Elle s’est focalisée sur les causes plutôt que les symptômes posant ainsi les bases de la médecine étiologique. Il suffisait alors d’éliminer les causes pour faire disparaître les symptômes. Mais aujourd’hui, les thérapeutes sont confrontés à des maux chroniques et multifactoriels. C’est pourquoi, la médecine comme l’ostéopathie doivent évoluer vers la médecine écologique qui prend en compte toutes ces composantes.

L’ostéopathie doit devenir la science du changement !

Repenser l’ostéopathie : un impératif

Un changement de paradigme qui doit également affecter la recherche scientifique. « Jusqu’à présent, nous avons essayé de prouver que l’ostéopathie était efficace. C’était une erreur. Il faut examiner ce que font les ostéopathes en réalité. Quelle est la pratique ostéopathique ? » s’interroge Stephen Tyreman.

Il faut environ entre 5 et 10 années de pratique, soit environ 10 000 heures, pour devenir un ostéopathe expérimenté. Quelles sont alors les différences entre un jeune ostéopathe et un ostéopathe confirmé ? L’ostéopathe expérimenté n’a généralement plus conscience de ce qu’il fait. Il fait des gestes inconscients et élabore ensuite des théories. Mais dans cette acquisition de l’expérience, le toucher est très important. Dès lors, la question de l’expérience en ostéopathie revient à identifier les différences entre un toucher expert et débutant ? Quelles sont ces particularités ? Comment les identifier ? Le clinicien doit se poser ces questions de manière claire et chercher à les valider plutôt que d’entrer sur le terrain de la recherche théorique. Le physiologue Irvin Korr rappelait que : « le clinicien pose les questions pour que le chercheur y apporte des réponses ».

Les médecins commencent déjà à repenser leur médecine. Si l’ostéopathie se limite à guérir des dysfonctions et n’entame pas cette réorientation aujourd’hui, elle sera vite dépassée et se mettra en danger.

Quelle sera la prochaine ostéopathie ?

Si les ostéopathes ne réparent pas des machines humaines, que font-ils ? Nous prétendons traiter la personne plutôt que son état. Pourquoi alors autant se focaliser sur les techniques ? Où est notre psychologie, sociologie, anthropologie, écologie, etc. ? Pourquoi penser que nous sommes des mécanistes comme Andrew Taylor Still le croyait ? Il faut, dans le même temps, apprendre à comprendre comment l’ostéopathe réfléchit au patient. Plusieurs possibilités s’offrent à nous :

• Se focaliser sur la personne en bonne santé ou malade plutôt que sur l’ostéopathie,
• S’intéresser aux recherches en neurosciences et notamment sur le rôle du toucher et la perception du cerveau,
• S’intéresser à l’épigénétique (modulation de l’expression génétique).

L’ostéopathie doit devenir la science de l’adaptation ou plus précisément de la gestion de l’adaptation (management). C’est fondamental. Pour comprendre la santé et la maladie, il faut également poser les deux axiomes suivants. Premier axiome : les relations ne sont pas seulement intéressantes, elles sont tout ce qu’il y a à la réalité (Henri Poincaré, mathématicien, physicien, philosophe et ingénieur français). Deuxième axiome : la seule constante, permanente, c’est le changement (Heraclite d’Éphèse, philosophe grec). Alors seulement, l’ostéopathie deviendra écologique plutôt qu’étiologique.

Le patient devient un agent du changement

Cette vision de la santé considère la personne dans le contexte de son changement (monde, environnement) comme un acteur engagé physiquement, cognitivement, émotionnellement, socialement, économiquement, esthétiquement, etc. C’est l’opposé d’un patient ! Notre rôle est donc d’aider un individu à devenir un agent effectif de sa vie, à savoir bien vivre. Et cette adaptabilité de l’individu s’orchestre à travers son système musculosquelettique.couv-osteo15_web

L’ostéopathie doit aussi être en prise avec un futur différent et incertain. Un futur qui ne sera pas comme le passé et le présent. Nous devons identifier comment le monde a changé et adapter notre profession en conséquence. La recherche doit mettre l’accent sur l’identification de ce que nous faisons plutôt que de chercher à prouver que nous avons raison. La pratique a besoin de s’élargir pour se concentrer de manière plus explicite sur l’adaptation de la personne et son bien être dans le monde…

Bref, pour Stephen Tyreman, le changement, c’est maintenant !

Retrouvez toute l’enquête associée dans L’ostéopahe magazine n°15.

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