L’Association Posturologie Internationale (API) organisait les 28 et 29 janvier à la Faculté de Médecine des Saint-Pères à Paris ses 24e Journées de Posturologie Clinique. Le thème : « Douleur chroniques, neuropathiques et posturologiques ».
Par Reza Redjem-Chibane et Laurent Marc
Ces journées de posturologie clinique ont été l’occasion de naviguer entre des communications de chercheurs universitaires et des expériences de cliniciens. De la meilleure compréhension neurophysiologique des phénomènes de la douleur à leur prise en charge, la complémentarité des intervenants a permis à la fois de proposer des pistes thérapeutiques mais également d’ouvrir de nombreuses pistes de réflexion.
Au cours de ces deux journées de conférences, nous avons assisté à près de 30 conférences réparties en 8 thèmes :
1. Peau, épiderme et douleur
2. Somesthésie, douleur et thérapie manuelle ostéopathique
3. Nerfs et douleurs lombo-pelviennes
4. Neurostimulations instrumentales et modulation de la douleur
5. Douleurs, émotions et sensibilisation centrale
6. Espace temporel et régulation posturale
7. Biomécanique et douleurs
8. De la Perception podale à la perception visuelle
Les journées de posturologie clinique ont donc débuté par des conférences axées sur la peau et la première d’entre elles a été animée Beranrd Calvino : De la caresse à la douleur, l’épiderme un transducteur de choix. Bernard Calvino est professeur honoraire de physiologie et il a présenté la perception mécanosensorielle de la peau reposant dans l’épiderme sur deux ensembles cellulaires : les complexes de Merkell et les kératinocytes. Au terme de son passionnant exposé, Bernard Calvino nous fait comprendre comment la mécanostransduction qui caractérise la conversion de stimulations mécaniques en signaux électriques permet de passer de la caresse à la douleur. A travers notamment le rôle important des kératinocytes Antoine Pradel podologue-posturologue et docteur en sciences de l’Université Joseph Fourrier à Grenoble, a ensuite présenté l’influence de la stimulation mécanique douloureuse des soles plantaires sur le contrôle de la posture bipédique. A travers notamment ses travaux de recherche.
Quelles incidences peuvent-avoir les cicatrices sur la modification posturale ?
C’est la question que s’est posée Alvaro Bejarano, médecin du sport, posturologue, thérapeute manuel et professeur d’anatomie. Après avoir fait l’exposé des nombreuses influences des cicatrices sur la physiologie il a présenté des axes de traitement. Sa conclusion s’adresse aux thérapeutes manuelles : « toujours poser la main sur une cicatrice ».
Philippe Villeneuve, podologue, ostéopathe et président de l’API, a ensuite abordé la relation entre neurostimulations épidermiques et douleur. En commençant par l’embryongénèse cutanée, il évoque le rôle privilégié de l’épiderme avant de se pencher sur le rôle des cellules épidermiques. Il conclut sur les traitements épidermiques et la posturothérapie neurosensorielle. Aranaud Crépin, responsable de la formation à Ostéobio, s’est interrogé ensuite sur les hypothèses entre le lien entre douleur, comportement du tube digestif et contrôle de la posture. Enfin, Alfonso Salgado de l’Université Camilo Castelo Branco à Sao Paulo (Brésil) a rapproché Thérapie manuelle et immunologie.
Didier Bouhassira, neurologue et directeur de l’unité Inserm 987 Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur à l’hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt, distingue les douleurs nociceptives ou inflammatoires des douleurs neuropathiques. Pour traiter ces douleurs, l’OMS propose une réponse graduée sous forme de palier selon l’intensité de la douleur. Mais, « l’intensité n’est pas un moyen d’évaluation thérapeutique. On évalue les mécanismes et c’est en fonction des mécanismes qu’on applique le traitement adapté » précise Didier Bouhassira pour qui ce système de palier ne s’adresse pas aux douleurs neuropathiques. Il nous présente ses études sur la question et ses recommandations de prise en charge.
La notion de sensibilisation nociceptive comme clé de compréhension.
Une intervention complétée par celle d’Amélie Levesque, algologue à Nantes, sur les origines des douleurs pelvi-périnéales. Les atteintes viscérales sont du ressort des spécialistes d’organe. Cependant lorsqu’il n’existe pas d’infection, de cancer, de maladie inflammatoire, des douleurs peuvent tout de même exister. Et des patients présentent parfois des tableaux très riches en symptômes, diffus et rebelles aux traitements pour lesquels la notion de sensibilisation nociceptive est une clé de compréhension. Que faire ? L’algologue nantaise nous a transmis son expérience pour poser un diagnostic précis alors que Philippe Villeneuve, podologue, ostéopathe et président de l’API a expliqué comment la posturothérapie neurosensorielle pouvait contribuer à la prise en charge des douleurs liées aux dysfonctions discales.
Dans la foulée, Antoine Perrier, Podologue et PhD en biomécanique, s’interroge sur la nécessaire nociception dans le fonctionnement biomécanique du pied. Et ce après avoir présenté la magnifique complexité biomécanique du pied humain, si peu connue…
Deux autres approches antalgiques ont fait l’objet de conférence passionnante. La première animée par Jean-Pierre Roll, professeur à l’Université de Provence, et dirige le Laboratoire de neurobiologie humaine (UMR 6149 – CNRS / Université de Provence) portait sur les effents antalgiques des stimulations vibratoires transcutanées. La seconde sur le traitement des céphalées par neurostimulation invasive et non invasive. Elle était animée par Delphine Magis, neurologue à Liège (Belgique).
Contribution des comportements non-verbaux dans l’évaluation de la douleur d’autrui
Le lendemain, les conférences ont repris avec l’intervention de Serge Marchand, professeur à l’Université de Sherbrooke au Canada. Le thème de son intervention : Modulation de la douleur : de la souffrance à l’hédonisme sensoriel. Ensuite, Anne Courbalay, chercheuse à l’Université Paris Sud s’est interrogée sur la contribution des comportements non-verbaux dans l’évaluation de la douleur d’autrui. Son exposé s’appuie sur ses travaux de thèse sur les chiropracteurs. A son tour, Jean-Marc Benhaiem, médecin CHU Hôpital Ambroise Paré Boulogne-Billancourt, propose un moyen de prise en charge de la douleur chronique : l’hypnose. Le professeur Pierre-Marie Gagey quant à lui a abordé la notion de temporalité dans l’analyse neurologique du patient alors que Thierry Mulliez s’est intéressé à l’intérêt des neurostimulations manuelles et de la posturothérapie pour les céphalées chroniques. Pour ce dernier « La douleur due au nerf d’Arnold est la conséquence d’un mécanisme adaptatif de la charnière cranio-cervicale qui n’est que le dernier maillon d’une posture qui n’est pas fonctionnelle ».
Nathalie Goulème, chercheuse à l’Hôpital Robert-Debré à Paris, a abordé la question du contrôle postural chez les enfants dyslexiques. Une conférence complétée par Sophie Dugué, algologue, et Roselyne Lalauze-Pol, ostéopathe, sur la prise en charge pluridisciplinaire de l’enfant douloureux chronique au sein d’un centre antidouleur.
Comment relier douleurs et posturologie ?
Après des rappels sur la physiologie de la douleur et de la régulation de la posture, Marc Sorel constate qu’il faut se rendre à l’évidence : il y a un manque de publications reliant douleurs et posturologie. Pierre Olivier Morin et Marie Emmanuelle Rouchon, podologues, enchaînent alors sur une étude sur l’effet d’une modification des appuis plantaires sur l’initiation de la marche. Et Emilie Simoneau-Buessinger nous a, à son tour, présenté une étude sur fiabilité du Star Excursion Balance Test (vidéo du test : https://www.youtube.com/watch?v=YG5Hf7jwDrQ) chez des personnes souffrant de d’instabilité chronique de cheville. Son collègue, Frédéric Viseux, nous présente à son tour une étude préliminaire sur l’effet de la stimulation mécanique de la pulpe des orteils sur la régulation de l’équilibre orthostatique. Par la suite, Arnaud Foisy, Podologue, a travaillé sur la potentielle influence des afférences cutanées plantaires sur la perception de la verticale au niveau visuel par le patient en position orthostatique. Ina ter Harmsel, Kinésithérapeute et Heilpraktiker, a abordé la modification de la posture par stimulation plantaire des chaînes myofasciales. Après de brefs rappels sur les chaines musculaires, elle nous expose par le biais de cas cliniques filmés que l’apposition d’un petit élément sous le talon va permettre de redresser le patient par le biais de la chaine dorsale superficielle (d’après Thomas Myers, anatomy trains).
L’importance de la communication entre le praticien et son patient
Enfin, Marc Janin, podologue, termine cette passionnante journée de conférences par une série d’études sur la nociception plantaire non consciente non expérimentée et la performance posturale. Il est ressort plusieurs résultats parfois contradictoires.
En conclusion, cette journée nous a montré l’importance de la communication entre le praticien et son patient dans la prise en charge des douloureux chroniques. Elle a montré aussi que l’expérience fait varier les déterminants de la prise en compte de la douleur chez le praticien
LE REPORTAGE COMPLET DE CE CONGRES DE POSTUROLOGIE A ÉTÉ PUBLIE DANS OSTÉOPATHE MAGAZINE #32 – mars/avril/mai 2017
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