L’endométriose est une pathologie chronique caractérisée par l’implantation et le développement en situation ectopique de cellules endométriales. 10 à 15 % de femmes en âge de reproduction sont atteintes, et 20 à 24 % des femmes infertiles présenteraient des lésions d’endométriose. Comment l’ostéopathie peut-elle améliorer la santé de ces femmes ?
Le diagnostic de l’endométriose, découverte en 1860 par Von Rokitanski, est malheureusement posé tardivement. Parce que les règles douloureuses… sont considérées comme normales ! D’autres fois, le diagnostic est posé au moment où une femme choisit d’avoir une enfant.
« Je veux revenir sur cette notion de douleur comme élément de diagnostic. C’est une douleur présente pendant les règles, mais aussi en dehors du cycle. Cette douleur va toucher la vie intime et la dignité d’une femme avec un sentiment de culpabilité à travers des phrases comme Vous n’avez pas mal madame » dénonce Claudine Ageron Marque. Cette considération entraînera une retenue à l’expression de la douleur avec des répercussions sur le couple et la vie professionnelle.Des douleurs 2 à 3 jours après les règles.
Le diagnostic est difficile à poser… car il faut se poser la question de l’endométriose pour la dépister. Notamment chez les patientes adolescentes. Au niveau clinique, il s’agit de rechercher des nodules, des fixations de l’utérus et des masses annexielles douloureuses fixées. « Ce qui doit nous mettre la puce à l’oreille, c’est que les douleurs apparaissent rarement avant les règles. Un peu au début, mais c’est surtout 2 a 3 jours après les règles lorsque le sang est collectionné dans le péritoine et que les douleurs se mettent en place » explique Claudine Ageron Marque.
Le siège des douleurs est très varié : dans les ovaires, le myomètre, la vessie, le vagin, le rectum, le tube digestif, les tissus sous-cutanés (orifices de trocart suite à une cœlioscopie).
Le tissu s’organise en « nodules endomé-triosiques » qui saignent au moment des menstruations et qui entraînent des dou-leurs cycliques. Une réaction inflammatoire s’installe, accompagnée d’une angiogenèse, d’une irritation du péritoine, d’une infil-tration par des cellules de l’immunité, de fibroses, d’adhérences. Même si l’organisme arrive à détruire les petits endomètres, des cicatrices se forment, sources de rigidité, de fixité et d’adhérences. Un état inflammatoire se crée toujours avec une perte de mobilité qui est l’axe sur lequel l’ostéopathe doit travailler.
Les nodules endométriosiques s’accompagnent de nombreux signes cliniques comme les douleurs pelviennes cycliques, les lombalgies récidivantes, les dysménorrhées, les dyspareunies, les douleurs à la défécation, l’infertilité, les hématuries, les syndromes appendiculaires, les diarrhées, les métrorragies.
Étiologie de l’endométriose: de théorie en théorie
L’origine de l’endométriose est multifac-torielle et différentes théories expliquent sa physio-pathogénie. La plus largement acceptée semble être l’implantation par reflux par les trompes. Cependant le reflux est présent chez 76 % des femmes de manière plus ou moins importante… Il faut alors considérer des facteurs favorisants : immunitaires, inflammatoires, environnementaux et génétiques.
Les premiers écrits décrivant l’endométriose datent de 1920. A. Sampson défendait la théorie de l’implantation des reflux menstruels (qui concerne 76 % des cas des femmes rappelons-le). Plus tard, Leyendecker proposera la théorie du péristaltisme utérin et tubaire avant que n’apparaisse la théorie de la métaplasie qui se base sur l’idée qu’un tissu peut se transformer en un autre à partir d’une même origine embryologique. Ensuite a été émise la théorie des emboles vasculaires et/ou lymphatiques. D’autres origines sont également suggérées : génétique, post-chirurgicale, séquelles cicatricielles, inflammatoires, traumatisme psycholo-gique, environnementale, alimentaire. Ce qui est intéressant pour les ostéo-pathes, ce sont les facteurs inflammatoires. L’endomètre s’installe en effet sur un système inflammatoire qui s’auto-entretient à travers une action sur les prostaglandines pour inhiber la phagocytose.
Par ailleurs, l’endométriose est œstrogène dépendante. Les cellules de l’endomètre sécrètent de l’œstrogène qui permet à l’endomètre d’auto-entretenir son développement.
Comment passe-t-on de cellules physiologiques à des cellules pathologiques ?
De multiples recherches ont été menées sur cette question. On peut relever l’influence alimentaire car le terrain acide favorise l’inflammation et le développement de l’endomètre. On conseillera la consommation de fruits et légumes frais et la réduction de la charcuterie et des viandes rouges. À noter que le gras favorise les maladies oestrogèno-dépendantes. Les facteurs environnementaux ont également une influence sur l’endométriose :
- les agents polluants : dioxine, TCDD,
- les biphényles polychlorés,
- les métaux lourds : le plomb, le mercure et le cadmium
Par ailleurs, de nombreuses études montrent qu’il existe une augmentation de la présence d’endométriose chez les patientes ayant vécu des maltraitances ou violences sexuelles. Plusieurs traitements sont possibles et les axes thérapeutiques classiques sont variés. Mais quelle pourra être l’approche ostéo-pathique ? L’ostéopathie peut proposer un travail spécifique de l’endométriose. D’abord, agir sur les fascias : « c’est notre plan d’action numéro un. Ce qui sous-entend que le cadre osseux et la verticalité de la personne sont importants pour travailler sur ce cadre tissulaire » analyse Claudine Ageron Marque.
Il ne s’agit pas de traiter l’endométriose, mais de traiter le terrain sur lequel s’est installé une endométriose ou un adénomyose. De manière plus spécifique, il s’agira d’identifier les dysfonctions des différents organes sus-pelviens, pelviens et périnéaux, et d’identifier les troubles du cycle et les causes fonctionnelles crâniennes, osseuses et membraneuses.
La femme n’est pas un utérus, c’est une femme debout
Surtout, souligne la sage-femme ostéopathe, « il faut revenir à l’ostéopathie. Il n’y a pas un traitement spécifique à l’endométriose, car ce n’est pas juste une question de reflux étant donné que 76 % des femmes ont un reflux, mais ne déclenchent pas une endométriose. Il faut se reporter à la notion de globalité de la femme : problèmes de postures, bassin, sacré, etc. Car la femme n’est pas un utérus. C’est une femme debout. Il faut identifier le trouble du cycle et pourquoi cette patiente en est arrivée là ».
Les résultats seront variables selon l’atteinte : minime, légère, modérée ou sévère. Selon l’action thérapeutique engagée, qu’elle soit médicale ou chirurgicale. Enfin, l’âge, l’infertilité et l’origine dominante auront un effet sur les résultats. Mais il ne faut pas oublier que c’est la femme qui sort elle-même de la situation. La main ostéopa-thique trouve sa place dans cette pathologie invalidante en améliorant le confort de la patiente et en l’aidant à se réconcilier avec son corps douloureux.