Selon des scientifiques de l’Université McGill, la découverte d’une nouvelle voie biologique intervenant dans les mécanismes de la douleur pourrait mener à l’utilisation d’anticancéreux existants plutôt que d’opioïdes dans le traitement de la douleur chronique.
De nombreuses options thérapeutiques utilisées pour le soulagement de la douleur chronique ‒ dont les opioïdes ‒ étant associées à un risque de dépendance et d’effets indésirables, cette percée ouvre de nouveaux axes de recherche sur le traitement de la douleur chronique, affirme Luda Diatchenko, professeure à la Faculté de médecine dentaire de l’Université McGill et coauteure principale de l’étude.
Les scientifiques ont découvert que les inhibiteurs du récepteur du facteur de croissance épidermique (R-EGF), utilisés couramment dans le traitement du cancer du poumon afin d’inhiber la croissance tumorale, possèdent des propriétés analgésiques aussi puissantes que celles de la morphine chez des modèles murins de douleur chronique et inflammatoire.
« Il nous faut maintenant répondre à deux questions : ces inhibiteurs sont-ils efficaces dans le traitement de la douleur chronique chez l’humain ? Quels sont les effets indésirables du médicament à la posologie nécessaire pour soulager efficacement la douleur ? », souligne la Professeure Luda Diatchenko, titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur les mécanismes génétiques de la douleur chez l’humain.
Détourner le rôle initial de certains médicaments : un choix judicieux
L’utilisation de médicaments existants à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été conçus peut se révéler judicieuse, puisque nous en connaissons bien la toxicité, ce qui fait d’eux un point de départ intéressant pour la mise au point rapide et relativement peu coûteuse de nouveaux traitements.
Si ces anticancéreux se révèlent inefficaces pour le traitement de la douleur, ils pourraient néanmoins servir de base pour le développement de nouveaux médicaments. « En modifiant ou en perfectionnant ces médicaments, nous pourrons mettre au point des analgésiques efficaces beaucoup plus rapidement », explique Jeffrey Mogil, professeur au Département de psychologie de l’Université McGill et coauteur principal de l’étude.
Cette étude, publiée dans The Journal of Clinical Investigation, décrit le rôle essentiel joué par la protéine R-EGF dans le mécanisme de la douleur.
« C’est extrêmement intéressant, car le R-EGF est l’une des protéines les plus étudiées en biomédecine en raison de son rôle important dans le cancer. Toutefois, aucune étude, exception faite de quelques études de cas cliniques, n’a permis de démontrer que le R-EGF intervient dans le processus de la douleur », ajoute Jeffrey Mogil, qui dirige également le Centre de recherche sur la douleur Alan-Edwards.
Une découverte emballante pour mieux comprendre la physiopathologie moléculaire de la douleur chronique
Selon les chercheurs, la voie du R-EGF découverte chez la souris et la drosophile existe également chez l’humain. En effet, l’article fait également état de données génétiques recueillies chez des sujets humains souffrant de douleurs faciales chroniques et grâce auxquelles les chercheurs ont pu établir un lien entre deux gènes dans la voie du R-EGF.
« Nous savons que cette voie existe également chez l’humain, affirme la professeure Diatchenko. « Cette découverte est emballante et très importante, car elle nous permettra de comprendre beaucoup mieux la physiopathologie moléculaire de la douleur chronique ».
Les scientifiques espèrent que leur découverte conduira à la réalisation d’essais cliniques qui permettront d’évaluer l’efficacité des inhibiteurs du R-EGF ‒ normalement utilisés comme anticancéreux ‒ dans le soulagement de la douleur.
Informations bibliographiques complètes :
Epiregulin and EGFR interactions are involved in pain processing, by Loren J. Martin et al., Journal of Clinical Investigation
Notes pour les rédacteurs
Ces travaux ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada, le National Institutes of Health des États‑Unis, le Australian National Health and Medical Research Council, la Fondation Louise et Alan Edwards et la Société canadienne de la douleur.
Source : communiqué de presse Université McGill University – (08/08/2017)
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