Traiter la hernie discale sans chirurgie par des injections intradiscales d’éthanol gélifié radio opaque : une thérapeutique qui affiche des taux de succès de 70 % à 90 % ! Comment ? Les explications de Jacques Théron, radiologue interventionniste.
Un reportage réalisé par Reza Redjem-Chibane
Hernie discale du traitement à la prévention
Jacques Théron, radiologue interventionniste, utilise les injections intradiscales d’éthanol gélifié radio opaque pour soigner les hernies discales car elles sont peu traumatisantes et respectent l’anatomie du rachis. Son approche thérapeutique globale inclut également une harmonisation musculaire paraspinale et, au besoin, une technique d’expansion musculaire par liposuccion.
Article tiré de la rubrique « Actualités » publié dans L’Ostéopathe magazine #34 (Septembre-Octobre-Novembre 2017
Le mal de dos touche 50 % à 70 % de la population française et « la discectomie n’est plus la bonne réponse pour soigner la hernie. Son seul intérêt est de lever le contact entre la hernie et la racine nerveuse comprimée mais au prix d’une aggravation du désordre postural qui était habituellement lui-même à l’origine de la hernie discale » explique Jacques Théron. Avant d’envisager la chirurgie ouverte, il convient de toujours envisager un traitement radiologique interventionnel.
Les principales causes de la hernie discale
Une hernie discale est dans la majorité des cas la conséquence de phénomènes de posture. La position debout entraîne en effet une accumulation agressive des forces sur les dernières vertèbres lombaires. Il existe ainsi des forces de cisaillement (« shearing forces ») qui entraînent une souffrance permanente des derniers disques lombaires et une fatigue des articulations postérieures situées derrière ces disques. « Ce sont les muscles qui permettent de maintenir la colonne vertébrale dans sa verticalité sans souffrance. Cependant, les muscles situés en arrière de la partie inférieure de la colonne sont, du fait de la position debout, très peu utilisés ; ils s’atrophient progressivement, même chez des sujets très sportifs. La graisse prend alors naturellement la place du vide laissé par l’atrophie musculaire. Ce stockage de graisse va augmenter plus ou moins rapidement en fonction de l’utilisation des muscles et notamment de leur entretien physique, mais elle est incompressible une fois installée », décrit Jacques Théron.
Sous l’effet des forces de cisaillement des disques intervertébraux inférieurs, cette faiblesse de contention active de la colonne vertébrale basse créera un conflit en augmentant la pression dans le disque et des fissurations pour finalement aboutir à une hernie. Cette dernière comprimera le ligament situé sur la face postérieure des disques dans le canal rachidien. Ce ligament vertébral commun postérieur est très innervé et sa compression va entraîner des douleurs lombaires. Il va finir par se rompre et la hernie va venir comprimer la racine nerveuse, passant à ce niveau entre disque et articulation postérieure. On parlera de symptomatologie « lombo-radiculaire » avec une douleur du bas du dos et de la jambe de topographie variable en fonction de la racine atteinte (sciatique ou crurale). Cette douleur pourra être modérée, intermittente ou intolérable et insomniante. Pour pallier l’amputation discale, il est couramment proposé de remplacer le ou les disques par des prothèses intradiscales souvent mal tolérées. Il est encore plus souvent proposé une fixation du segment vertébral resté douloureux après l’opération en utilisant divers matériaux métalliques très coûteux. Ces fixations ne font que déplacer le problème postural et les récidives de hernie au-dessus de la zone fixée sont fréquentes.
Les solutions de radiologie interventionnelle déjà proposées
Plusieurs techniques de radiologie interventionnelles sont déjà proposées :
- Les injections de chymopapaine
- La nucléotomie percutanée simple ou automatisée
- La nucléoplastie (radio fréquence)
- L’ozonothérapie
- Les injections d’éthanol pur (Tournade)
Si Jacques Théron les a toutes pratiquées, il privilégie depuis plus de 15 ans les injections d’éthanol gélifié radio opaque car cette technique présente sept atouts majeurs :
– La viscosité du produit liée à l’adjonction d’un produit gélifiant apporte une sécurité lors de son injection. Ceci manquait à l’éthanol pur et en limitait les indications.
Elle permet en outre une meilleure stagnation intradiscale et par là un effet thérapeutique plus fort pour des doses plus faibles.
– La radio-opacité du produit obtenue par l’adjonction d’une poudre métallique non toxique permet de le suivre lors de son injection sous scopie télévisée. La réalisation systématique d’un scanner immédiatement après le traitement a confirmé la non-diffusion du gel en dehors du disque intervertébral. Elle a aussi montré que, bien qu’injecté au centre du disque, le gel se positionne spontanément non seulement dans les zones de faiblesse de celui-ci et notamment dans les fissures discales non visibles sur les autres techniques d’imagerie, mais aussi dans les fragments discaux exclus à condition qu’ils aient gardé un contact avec le disque.
– Les hernies discales cervicales et thoraciques peuvent aussi être traitées avec d’excellents résultats.
– Le geste thérapeutique peut être réalisé en ambulatoire.
– Le suivi de tous les patients avec un recul actuel de plus de 15 ans a montré qu’il n’entraînait aucune manifestation de toxicité générale ou locale.
– Quelques rares réinjections du produit ont été pratiquées. Lorsqu’un patient a eu un bon résultat après une première injection et qu’il présente une nouvelle symptomatologie douloureuse dans les mois ou années suivantes, une nouvelle injection d’éthanol gélifié radio opaque peut s’expliquer être partiellement par une dose injectée insuffisante la première fois.
Il révèle également que la réapparition d’une symptomatologie à distance du premier traitement ne signifie pas qu’une opération ouverte soit alors obligatoirement nécessaire.
– Une « régénération discale » semble être obtenue. Contrairement aux effets de la chymopapaïne, Jacques Théron a constaté en réalisant des IRM de contrôle à distance du traitement que l’injection intradiscale d’éthanol gélifié radio-opaque n’entraînait pas de diminution de hauteur du disque intervertébral. On pouvait même constater une réapparition du signal normal du disque. Un constat qui lui permet de penser que l’effet thérapeutique du produit n’est non seulement pas lié à une lyse discale (destruction partielle comme avec la chymopapaïne) mais que le produit semble entraîner une sorte de « régénération discale » tout à fait inattendue.
Pour un traitement « régional »
Les résultats obtenus en ne traitant qu’un seul disque avec l’éthanol gélifié radio opaque sont très bons ou bons dans environ 70 % des cas. Un bon score compte tenu de la légèreté de la thérapeutique. Les résultats personnels obtenus par Jacques Théron sont toutefois supérieurs avec 90 % de succès constatés chez ses patients. « Cette différence est due au fait que, dans une pathologie douloureuse rachidienne, le disque n’est qu’une des composantes du problème. Il convient, en premier lieu, de toujours tenir compte de l’inflammation articulaire associée et de la traiter. Il convient aussi de traiter « la région” pathologique qui souvent ne se limite pas à un seul disque. Enfin, il convient de corriger l’harmonie des muscles de la colonne », explique ce dernier. En effet, la position debout a entraîné une fragilisation du rachis lombo-sacré de l’homme et il est extrêmement fréquent de voir un patient présentant de multiples saillies discales associées à des lésions articulaires postérieures étagées dégénératives, entourées par une atrophie musculaire envahie par des dépôts graisseux importants. De ce fait, il est peu réaliste de pouvoir résoudre le problème de ce type de patient par le seul traitement d’un ou deux disques ou par quelques infiltrations articulaires.
Parce que l’éthanol gélifié radio opaque est efficace et peu agressif, JacquesThéron envisage cette au niveau « régional », c’est-à-dire :
- De traiter simultanément tous les disques pathologiques à expression douloureuse. L’absence avérée de toxicité du produit à long terme autorise le traitement de 3 ou 4 disques dans la même procédure. Cette approche thérapeutique peut être orientée
par la réalisation d’un test de réveil d’une douleur par injection d’air intradiscal qui prouve l’existence d’une hyperpression intradiscale, avant d’injecter le produit.
- De traiter, dans la même procédure, par injection de corticoïdes, le maximum d’articulaires postérieures susceptibles de participer à la symptomatologie douloureuse (en tenant compte des limitations de dose de corticoïdes en fonction de chaque cas)
- De compléter le suivi par des techniques d’harmonisation musculaire paraspinale
- De pratiquer, si nécessaire dans le suivi, une réduction des masses graisseuses lombosacrées par liposuccion pour améliorer la contention active de la colonne. Enlever l’excès de graisse à ce niveau permet en effet aux muscles paraspinaux de se développer.
Les avantages du discogel®
Jacques Théron a déjà traité plusieurs centaines de patients avec cette technique et dans le monde, ce sont près de 2 100 patients qui ont pu bénéficier de ce traitement en 2014. « Nous avons donc suffisamment de recul pour analyser les résultats obtenus », affirme-t-il. Les résultats en traitant un seul disque intervertébral avec l’éthanol gélifié radio-opaque sont « bons » voire « très bons » dans 70 % des cas, selon les premiers résultats d’une étude menée à l’hôpital Lariboisière à Paris 2. Sont pris en compte pour cette évaluation : le soulagement des douleurs, l’amélioration de la mobilité et de la posture et l’absence de récidive de la hernie. Les réinjections sont rares et majoritairement liées à des sous-dosages lors du traitement initial. Jacques Théron a également constaté pendant ses 15 années de pratique de cette technique un phénomène inattendu : après injection du Discogel®, les disques intervertébraux retrouvent un signal normal à l’IRM, [su_quote] »ce qui laisse à penser qu’ils se régénèrent »[/su_quote]. Les observations thermographiques avant/après montrent aussi que le traitement réduit significativement la température des zones douloureuses du dos, donc le caractère inflammatoire lié à la hernie. Il n’existe pas de contre-indication à cette pratique, les hernies discales volumineuses pouvant également être traitées, à tous les niveaux du rachis (hernies cervicales, thoraciques et lombaires). Il n’existe pas non plus d’effet secondaire connu à ce jour. Des limites économiques à l’utilisation de l’éthanol gélifié radio opaque.Bien que les indications de l’injection intradiscale d’éthanol gélifié radio opaque soient potentiellement très larges, sa limitation actuelle reste d’abord d’ordre économique : il n’y a actuellement aucun remboursement du produit par la sécurité sociale française.
Le gel coûte à lui seul entre 700 et 1 000 €. La facture totale pour le traitement (imageries, rémunération du personnel soignant, mobilisation de la salle de bloc, produit…) s’élève environ à 2 600 €. Dans le meilleur des cas, les mutuelles remboursent 800 € sur cette somme, le reste étant à la charge du patient. Le geste est donc actuellement réservé à une minorité de patients informée et économiquement privilégiée. Pourtant, le coût de cette thérapeutique intra discale est dérisoire en comparaison avec celui d’une intervention chirurgicale auquel il faut ajouter le coût de ses éventuelles conséquences immédiates, du matériel utilisé, des examens et des consultations multiples. Le coût des prothèses discales ainsi que les interventions itératives pour récidives avec ou sans fixations métalliques doivent être aussi pris en compte. Sans compter qu’une fibrose post opératoire peut avoir des conséquences professionnelles et psychologiques sur la vie d’un patient.
[su_quote]« Il est impératif d’inclure le traitement intradiscal dans une conception thérapeutique globale incluant une harmonisation musculaire paraspinale et, au besoin, une technique d’expansion musculaire par liposuccion »[/su_quote]
Toujours privilégier les solutions les moins traumatisantes
La réponse thérapeutique au problème des hernies discales doit donc toujours s’orienter vers les techniques entraînant le moins de traumatismes possible et respectant au maximum l’anatomie du rachis. Ne considérer que la composante anatomique discale sans tenir compte du caractère multifactoriel (postural, musculaire, infectieux, émotionnel et plus globalement énergétique) reste toutefois insuffisant et aboutit souvent à un résultat seulement partiel. « C’est pourquoi il est impératif d’inclure le traitement intradiscal dans une conception thérapeutique globale incluant une harmonisation musculaire paraspinale et, au besoin, une technique d’expansion musculaire par liposuccion » conclut Jacques Théron.
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