Comment prouver l’innervation des fascias ? À travers une étude histologique rigoureuse, Siegfried Mense a prouvé l’existence d’un réseau de nerfs et de nocicepteurs dans le fascia thoraco-lombaire. Mais au cours de ses expériences, il a été surpris par une autre découverte…
Synthèse de l’intervention de Siegfried Mense lors du 4e Fascia Research Congress à Washington, réalisée par Chloé Hiriart, ostéopathe DO
Article tiré de l’enquête « Recherche fondamentale et applications cliniques : Que les fascias soient avec vous » parue dans le numéro 27 (décembre-janvier-février 2016)
Des stimulations nociceptives des fascias laissent penser que la douleur peut-être ressentie au niveau des fascias
à travers l’importante innervation de ce tissu. Le fascia thoraco-lombaire (FTL) possède une innervation très dense. Le docteur Siegfried Mense a donc logiquement choisi le FTL pour mener des expériences in vivo sur le rat. Avec trois objectifs principaux :
1. Dresser un rapport complet de la présence de nocicepteurs dans le FTL
2. Identifier les types de fibres nerveuses en présence grâce à des anticorps spécifiques de l’axone ou de la membrane des fibres.
3. Observer les changements d’innervation lorsque le fascia est inflammé.
Lors d’une évaluation quantitative, la longueur des fibres et des terminaisons nerveuses libres ont été mesurées. L’extravasation plasmatique (1) est l’un des symptômes caractéristiques d’une réponse inflammatoire et de l’inflammation neurogène (NDLR) : l’extravasation c’est le passage anormal de produits intraveineux d’un vaisseau sanguin vers les tissus environnants. Soit par rupture du canal, soit par diffusion.). Elle se produit après une lésion nerveuse, et peut conduire à des changements significatifs dans
le contrôle de la circulation cutanée.
Une inflammation neurogène est possible dans le FTL
Dans cette expérimentation, le docteur Mense et son équipe ont injecté du bleu d’Evans dans le FTL d’un rat. Le bleu d’Evans se lie avec une grande affinité à l’albumine sérique permettant ainsi d’évaluer quantitativement l’ampleur de l’extravasation due à une inflammation périphérique et neurogène. Ils ont ensuite induit une stimulation électrique en regard des fibres nociceptives. Cette stimulation a produit un potentiel d’action antidromique (NDLR : se dit d’un influx nerveux qui dans la racine sensitive va de la moelle épinière vers la périphérie) similaire à une compression nerveuse. Ils ont pu observer une libération de deux médiateurs de la douleur dans les capillaires environnants : la Substance P (SP) et le CGRP (Calcitonin Gene-Related Peptide) ainsi qu’une extravasation de plasma et de bleu d’Evans dans les tissus. Les données de l’étude montrent donc qu’une inflammation neurogène peut être induite dans le FTL. Ceci est la preuve fonctionnelle de l’existence de nocicepteurs dans le fascia.
Effets d’une inflammation expérimentale sur l’innervation du fascia
Dans cette seconde expérience, l’inflammation expérimentale est réalisée par injection intrafasciale d’adjuvant de Freund à proximité du processus épineux de L5 dans le FTL (NDLR : L’adjuvant de Freund est un mélange lipidique qui entre en jeu dans les techniques d’immunostimulation). 12 jours plus tard, l’étude histologique est réalisée pour rechercher des terminaisons nerveuses nociceptives contenant de la SP et CRGP-positives. De plus, les terminaisons présentant la molécule TRPV1 dans leur membrane ont été également trouvées. Cette molécule est un récepteur caractéristique des fibres nociceptives. Cette inflammation expérimentale du FTL a provoqué des changements importants au niveau histologique, mais il est très intéressant d’observer que ces changements ne se produisent pas uniformément dans les différentes couches de fascia (externe, centrale et interne). Il est aussi à noter que la grande majorité de SP et de CGRP sont situés dans le fascia superficiel. Quant à la couche moyenne, elle est composée en grande partie de massifs faisceaux de fibres de collagène et la densité des fibres est proche de zéro pour tous les types de fibres.
[su_quote]Nous avons prouvé l’existence d’un réseau de nerfs et la présence de nocicepteurs dans les fascias. Le FTL est impliqué dans l’origine de la douleur dans la lombalgie non spécifique.[/su_quote]
Un réseau nerveux dans le FTL
Dans les fascias inflammés, les fibres CGRP-positifs ont montré une augmentation significative de leur couche interne. Dans le FTL de contrôle (sans injection), les fibres nerveuses nociceptives étaient présentes exclusivement dans la couche externe. Dans le fascia inflammé, les structures SP-positives ont également été trouvées dans la couche interne. À la plus grande surprise du docteur Mense, les fibres sympathiques ne montrent qu’une baisse significative de leur longueur et non une augmentation comme il l’imaginait. La raison de cette diminution de taille reste encore inexpliquée. L’augmentation de la longueur des fibres SP-positif des fibres CGRP nociceptives peut cependant expliquer la douleur des patients avec une altération pathologique du fascia inflammé. Siegfried Mense et son équipe ont prouvé l’existence d’un réseau de nerfs et la présence de nocicepteurs au sein même des fascias attribuant ainsi au FTL une origine de la douleur dans la lombalgie non spécifique. Les constatations de l’étude peuvent être d’un fort intérêt pour les thérapeutes manuels travaillant sur les fascias.
[su_box title= »A propos de Siegfried Mense » style= »bubbles » box_color= »#ef5602″ title_color= »#1866a5″ radius= »8″]Siegfried Mense est chercheur au sein du département de neurophysiologie de l’Université de Heidelberg, Faculté de médecine de Mannheim (Allemagne). À la fois médecin, physiologiste et anatomiste, il est considéré comme une autorité mondiale concernant la neuro-anatomie et la neurophysiologie de la douleur musculaire. [/su_box]
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