Edito #40 : Instinct
[su_box title= »INSTINCT, subst. masc. » style= »noise » box_color= »#ef5602″ title_color= »#00070d » radius= »8″]Mouvement intérieur, surtout chez l’animal, qui pousse le sujet à exécuter des actes adaptés à un but dont il n’a pas conscience – Comportement inné, héréditaire et spécifique, accompli sans apprentissage préalable et en toute perfection – Tendance innée, à l’origine de certaines activités élémentaires automatiques de l’homme… Etc.[/su_box]
Il y a plusieurs définitions de l’instinct qui s’exprime aussi dans une opposition à d’autres concepts. « Instinct et raison, marque de deux natures » nous dit Pascal [1]. L’instinct défie alors l’intelligence qui implique abstraction et imagination témoignant de l’activité d’un esprit. A contrario, l’instinct impliquera d’une part la notion de pulsion et de force psychosomatique (comme l’instinct sexuel), d’autre part la manière d’agir des animaux avec des gestes relativement stéréotypés, inconscients et automatiques. En ce sens, l’instinct est un savoir-faire spécifique, inné, immuable, aveugle, ordonné à la conservation de l’espèce ou de l’individu. Le geste instinctif est d’emblée parfait…
De l’éthologie à la psychanalyse, l’instinct est mis à mal dans nos modes de vie contemporains qui idolâtrent l’intelligence humaine et la technologie bienfaisante. Cette injonction contradictoire entre instinct et pensée nous laisse-t-elle encore la possibilité de vivre nos instincts et de quelle manière ?
La dialectique est une méthode de pensée et d’argumentation qui consiste à faire valoir un argument pour et un argument contre afin de progresser vers une vérité probable. Olivier Tinland, professeur de philosophie précise : « pour Hegel, philosophe allemand, la dialectique permet de comprendre des contradictions créées par la pensée quand elle essaye de concevoir ce qui est au-delà de nos capacités. La réalité n’est plus simplement une collection d’existants, de temps mis côte à côte. Elle est traversée par une forme de négativité car les choses ne sont pas immuables. Elles sont finies, emportées au-delà d’elles-mêmes. L’incarnation de la dialectique, c’est le temps. Toute chose assujettie au temps est appelée à naitre, croitre et périr »[2]. Est-ce à dire que dès que l’on pense notre instinct, il disparaitrait…
Car si l’instinct est une abstraction, il se concrétise dans l’acte instinctif. Est instinctif ce que nous faisons librement et ressentons sincèrement. On ne peut pas nous dire de faire quelque chose parce que c’est « naturel ». L’instinct ne vient pas de l’extérieur.
Dans ce numéro, nous présentons les bienfaits physiologiques du maternage proximal et de l’allaitement maternel à travers une compréhension ancestrale de la périnatalité. Un reportage qui révèle également le conservatisme médical dans la prise en charge des femmes en périnatalité exposant ces dernières à des pratiques obstétriques inadaptées et une prévention périnatale défaillante. Un encadrement médicalisé de la périnatalité dénoncé par de nombreuses femmes et professionnel.le.s de santé car il va à l’encontre de l’évidence naturelle. L’instinct des femmes surgit alors pour nous alerter et s’opposer à la raison médicale.
Ce reportage Périnatalité : l’instinct des femmes est l’avenir de l’homme, n’est pas un plaidoyer. C’est un outil d’aide à la décision pour éclairer les choix des personnes concernées car tous les choix sont légitimes. De même, chaque soignant se doit d’être dans la proposition (et non l’imposition) du soin. Et pour ne pas priver les femmes du choix d’une maternité instinctive et sécurisée, l’accompagnant thérapeutique doit mêler savoir et instinct. Respecter l’instinct des femmes… c’est aussi écouter son propre instinct.
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Reza Redjem-Chibane
Rédacteur en chef
(1) citation tirée de la Pensée [1] 344B
(2) Les chemins de la philosophie, diffusée sur France culture le 1er mai 2018