Jean-Marie Briand a obtenu son DE de kinésithérapie en 1983. Il a ensuite suivi des études d’ostéopathie à l’IWGS de 1985 à 1992. Ostéopathe DO, il a été enseignant en crânien au CEESO de 1993 à 2003. Depuis 2005, il enseigne l’ostéopathie périnatale au sein d’Ostéonat. Il est par ailleurs attaché à la maternité d’Antony depuis 1998.
Comment vous êtes-vous intéressé à l’ostéopathie périnatale ?
En 1998, j’ai découvert les travaux de Roselyne Lalauze-Pol et son approche m’a convaincu. Elle a été la première en France à avoir mis en avant la nécessité de travailler sur les nouveaunés de façon spécifique. J’avais aussi fait le constat que mes réponses techniques n’étaient pas adaptées aux bébés. Il fallait donc explorer d’autres voies, notamment pour poser des mots sur des impressions palpatoires. Par la suite, j’ai approfondi mes connaissances théoriques sur le sujet et j’ai aussi suivi une formation à la biodynamique. En revanche, je n’ai pas suivi de formation spécifique en ostéopathie néonatale qui n’existait pas réellement à l’époque.
Quelle est votre définition de l’ostéopathie périnatale et pédiatrique ?
L’ostéopathie périnatale s’adresse au fonctionnement du corps maternel pendant la grossesse, jusqu’aux suites de couche, et à celui du nouveauné. La pédiatrie couvre un domaine différent puisqu’elle concerne l’enfant jusqu’à 18 ans. Pour l’ostéopathie, à l’instar de la pédiatrie qui possède une spécialité néonatale, la néonatalité nécessite des compétences spécifiques. Du point de vue médical, le stade néonatal dure jusqu’à un mois après la naissance. D’un point de vue ostéopathique, cette durée pourrait s’étendre à trois mois.
Comment avez-vous pris conscience du besoin d’une approche spécifique ?
[su_pullquote align= »right »]« Outre la pédiatrie, l’ostéopathe doit posséder des compétences en obstétrique et en gynécologie »[/su_pullquote]J’ai entamé cette réflexion en 1993 alors que j’enseignais les techniques crâniennes et avant de pratiquer l’ostéopathie en néonatalité. L’enseignement traditionnel de l’ostéopathie néonatale était basé sur les approches des anciens ostéopathes. J’ai au départ prolongé cet enseignement avant de réaliser que cette approche classique ne différenciait pas l’approche technique entre le nouveau-né et le nourrisson, ni même avec l’adulte pour la plupart des techniques. Cela m’a permis de comprendre pourquoi je n’obtenais pas de résultats lorsque j’appliquais les techniques apprises, tout en étant certain de ma pratique. Et c’était normal. Le crâne du bébé est malléable, il ne présente pas les axes de fonctionnement mécanique qu’utilisent la plupart des techniques crâniennes. Son fonctionnement est différent et il n’est pas logique ni pertinent d’appliquer les mêmes techniques.
Cette prise en charge spécifique, selon les stades de développement de l’enfant, est-elle désormais respectée en ostéopathie ?
Non. C’est pourquoi il y a de gros problèmes dans la prise en charge ostéopathique des nourrissons en France. Même si l’ostéopathie néonatale fait souvent partie du programme pédagogique des établissements de formation, très peu d’ostéopathes (donc d’enseignants de cette matière) travaillent aujourd’hui réellement sur le nouveau-né de moins d’un mois. On pourrait chiffrer à quelques dizaines les praticiens ayant une réelle expérience dans ce domaine. De plus, la formation clinique dans les établissements est extrêmement sommaire sur le sujet, les étudiants n’étant pas sensés traiter un nourrisson lors de leur examen final.
Quelle approche spécifique l’ostéopathe doit-il adopter lorsqu’il prend en charge un nourrisson de moins d’un mois ?
J’ai d’abord réalisé que les modèles anatomiques employés ne s’appliquaient pas sur le nouveau-né, notamment au niveau du crâne. Il était donc nécessaire de repenser les techniques appliquées au nouveau-né dont la biomécanique est fondamentalement différente. Jusqu’à présent, la méthodologie consistait à décliner sur le bébé les modèles de l’adulte. Selon moi, c’est la démarche exactement inverse qu’il faut adopter. C’est pourquoi 90 % des ostéopathes qui ont moins de cinq années d’expérience et qui prennent en charge des nouveau-nés sont très vite perdus : les principes et les techniques qu’ils ont appris ne fonctionnent pas toujours dans ce cadre. Il s’agit plutôt de s’adapter au nouveau-né. Par exemple, il n’est pas imaginable d’appliquer une technique pendant cinq minutes. Il faut donc redéfinir l’approche en profondeur. Et pour qu’une technique soit efficace sur le nouveau-né, celui-ci doit-être en acceptation. C’est une contrainte relativement astreignante et difficile. Au départ, il ne faut pas hésiter, le cas échéant, à reporter une séance. Cette démarche peut par ailleurs s’appliquer au patient adulte. Néanmoins, le « taux de reports de consultation » diminue avec l’expérience : il devient plus facile de cerner le moment où l’enfant ne sera plus en acceptation. Maintenant, c’est moins de 5 % de séances que je dois reporter.
Des techniques spécifiques ?
Il n’y a pas de techniques spécifiques au nourrisson, mis à part les techniques intra-osseuses. Mais surtout, les techniques ne sont pas appliquées pareillement. Ce ne sont pas les mêmes paramètres. L’élément important est le fameux dialogue avec les tissus. Tout geste est un geste analysé par la main et accepté par les tissus. Beaucoup plus que chez l’adulte. Pas de techniques structurelles (à haute vélocité) car une technique n’a d’efficacité sur le plan tissulaire qu’à partir du moment où le bébé l’accepte. Une mise en tension tissulaire non acceptée ne sera pas efficace. Une technique réflexe est inapplicable sur un enfant. Tout doit donc être fait pour qu’il l’accepte. Dès qu’il refuse, il faut arrêter, reprendre la technique en adaptant la tension, etc. jusqu’à acceptation. Autre élément important, un bébé est un être de consistance liquide et c’est plus la biomécanique des fluides qui s’applique ici, car la structure osseuse n’est pas l’élément majeur du corps du bébé. Le corps véhicule le squelette et non l’inverse comme chez l’adulte. Les techniques de référence chez le nouveau-né devraient se baser sur l’écoute ; les techniques biocinétiques et biodynamiques, comme les approches de Rollin Becker et James Jealous, me semblent la voie technique à explorer.
À la sortie de l’école, les ostéopathes possèdent-ils ces connaissances ?
Cette approche n’est pas enseignée dans les établissements de formation et les jeunes diplômés ne savent pas utiliser l’écoute palpatoire car l’objectif de l’enseignement en ostéopathie est basé sur la validation d’un diplôme. La priorité n’est pas suffisamment souvent donnée à l’apprentissage du soin en tant que geste thérapeutique ; trop souvent l’acquisition technique est prise comme objectif pour le passage de l’examen Sa dimension clinique est généralement placée au second plan.
Les ostéopathes ont-ils besoin de connaître les pathologies spécifiques des nouveau-nés pour poser des diagnostics d’exclusion ?
Ce point fait l’objet de grandes discussions dans la profession. En France, les nouveau-nés sont très bien suivis par le système médical. Il n’est par exemple pas nécessaire de refaire systématiquement un examen neurologique qui altérera la qualité de l’examen ostéopathique ensuite. L’ostéopathe doit connaître les pathologies mais pas nécessairement réaliser un diagnostic différentiel préalable. Je n’ai ainsi jamais eu le souvenir d’avoir posé un diagnostic différent de celui posé par un pédiatre. C’est leur spécialité et ils sont compétents dans leur domaine de compétence. Je ne suis donc pas partisan de prendre systématiquement une technologie d’exclusion.
L’ostéopathie périnatale et pédiatrique, une spécialité ?
Ce serait une erreur d’en faire une spécialité car selon moi, c’est le traitement de l’adulte qui dérive de celui du nouveau-né.
Cet article est réservé aux abonnés.
Vous êtes curieux ? Bénéficiez d’un accès illimité à tous les articles du site et bien plus encore… en vous abonnant !